Quelques remarques à propos du Jòvie (Jeu avec Objet Volant Identifié)

Michel Faure
octobre 1998

Pourquoi choisir de créer un jeu sportif ?

1. Pour atténuer l'hétérogénéité des élèves causée par l'inégalité de leur pratique d'un sport dans un club.
2. Pour éviter l'intrusion possible d'attitudes négatives et figées d'élèves ayant des représentations discutables et partiales d'un sport donné, issues souvent d'une survalorisation ou déformation médiatique des faits et gestes de sportifs de haut niveau.
3. Pour se libérer de l'impérialisme des règles prises à la lettre des sports les plus connus (règles par ailleurs nombreuses et pas forcément connues), empêchant l'éducateur de faire comprendre aux élèves l'intérêt et l'utilité des règles et limitant la possibilité du pédagogue de « jouer » sur les règles pour favoriser des apprentissages.

NB : Néanmoins, on peut ranger le Jòvie dans la filiation des sports collectifs de démarquage comme le football, le basket et le hand ball. Comme ces sports, le Jòvie organise un affrontement symétrique de deux équipes où tous les joueurs sont attaquants et défenseurs selon l'équipe en possession de l'engin.

Dans le jeu du Jòvie, le démarquage des partenaires du porteur du frisbee devient même l'action attendue et indispensable, puisque le porteur de frisbee ne peut que le passer à un partenaire ou l'envoyer là où il pourra le récupérer. Ainsi l'habileté gestuelle avec l'engin (trop souvent privilégiée dans les sports alors qu'elle nécessite un très long entrainement) n'est ici qu'au service d'un jeu forcément collectif. Aucun joueur de Jòvie ne peut aller marquer seul !

Les contenus d'apprentissage sous-tendus par ce jeu ont de très nombreux points communs avec les sports cités plus haut.

C'est pourquoi l'utilisation du tableau ci-joint des « principes d'actions de l'attaque et de la défense » pour le BB, FB, HB, RG est souhaitable pour le maitre utilisant ce jeu en EPS. De même le « tableau récapitulatif » des alternatives d'un joueur de sport collectif (« cascades de décisions » suivant la perception de la situation de jeu) est un outil presque totalement adapté au Jòvie.
Apprendre à jouer au Jòvie peut faciliter l'apprentissage du basket, et… apprendre à jouer au hand peut faciliter l'apprentissage du Jòvie !

Le parti pris est donc bien de s'intéresser prioritairement aux contenus d'apprentissage, plutôt qu'à l'activité pour elle même.

Pourquoi ce jeu là, avec ces règles là ?

1. Parce que la réalisation du but du jeu est facilitée par la « cible » mobile et intelligente que représente un partenaire dans l'en-but (cf balle au capitaine).
2. Parce que le joueur en possession du frisbee a nécessairement besoin de ses partenaires pour marquer un point et pour faire progresser le frisbee vers l'en-but adverse. (Règles 1 et 2)
3. En corollaire, parce que tous les autres joueurs sont constamment concernés par l'action de jeu, que ce soit pour ne pas perdre la possession du frisbee et pour marquer un point, ou pour récupérer le frisbee (un toucher du frisbee en vol ou au sol suffit).
4. Parce que par sa nature, le frisbee en caoutchouc :
   • En ne permettant pas de rebond au sol :
     • privilégie la relation du joueur avec les partenaires plutôt que la relation du joueur avec l'engin (cf. le dribble, habileté technique « de base » du basketeur).
     • occasionne moins de sorties hors du terrain et donc de pertes de temps.
   • En étant mou et déformable :
     • ne provoque pas l'appréhension de se faire mal (cf. ballons de hand).
     • permet une grande variété de gestes d'attrapers.
   • En étant un objet volant :
     • attire par la beauté de ses trajectoires, renvoyant à l'imaginaire de la soucoupe volante.
     • amuse et surprend par ses trajectoires inattendues (cf rugby) en introduisant une part au hasard (lui-même permettant de relativiser le « mérite »).
   • En étant un objet bon marché, presque inusable, peu susceptible d'être volé ou la source de vitres cassées… est un objet inespéré dans une école !
5. Parce que toutes les actions répréhensibles des joueurs sont sanctionnables selon la volonté du maitre et des joueurs, la gravité de la faute, et l'interprétation des arbitres.

Parce les règles ne sont pas institutionnalisées,
la classe et le maitre peuvent, à tout moment de la pratique du Jòvie, modifier ce qui leur parait comme un frein au plaisir et aux progrès.

Pour une rencontre USEP, les participants devront néanmoins avoir harmonisé au préalable les règles jugées, à ce moment, utiles et intéressantes.